La maison du Bosphore, de Pinar Selek
éd. Liana Levi, avril 2013, 21 €
Sociologue de formation, Pinar Selek est avant tout une militante qui s’est réfugiée en France en 2011 afin d’échapper à l’acharnement judiciaire de l’Etat turc qui lui a déjà fait connaitre la prison et la torture.
Mais c’est également une romancière qui vient de faire paraitre La maison du Bosphore. Des années 1980 à nos jours, ce livre décrit la vie, les doutes et les espoirs de plusieurs habitants de Yedikule, un quartier d’Istanbul.
Dans ce roman, les turcs côtoient les arméniens, les kurdes et les grecs, sans tabou, ni faux semblant. En référence au révérend père Komitas qui a inspiré le parcours de Rafi l’un de ses personnages, l’auteure ne manque pas de rappeler la réalité et la cruauté du génocide arménien de 1915. Une large place sera également consacrée au traumatisme du tremblement de terre du 7 décembre 1988.
Le premier roman de Pinar Selek décrit surtout la ville d’Istanbul au travers de quelques-uns de ses quartiers et l’évolution de la société civile. Ce roman aborde le sort des femmes qu’elles soient mères, étudiantes, militantes ou même prostituée. Il nous livre également les doutes d’une jeunesse confrontée à l’amour et à ses incertitudes et au poids des conventions sociales.
La tradition et la perpétuation de la mémoire trouvent également toute leur place au travers de lieux de vie collectif comme la pharmacie Lalé ouverte par Djemal avec Sema ou plus confidentiel comme l’atelier de maitre Artin au sein duquel officie Salih.
Les différents engagements militants d’Elif et d’Haydar trouvent, bien entendu, toute leur place, sans jugement ni conclusion sur l’efficacité des choix de clandestinité effectués.
La maison du Bosphore est un conte moderne empli de poésie et d’humanité. L’amitié entre Hasan et Rafi et leur passion partagée de la musique et notamment du doudouk en est une illustration.
Pour reprendre les mots de l’auteure, La maison du Bosphore confère au lecteur un demi-espoir sur une évolution possible et apaisée de la société turque, même si la route demeure encore longue avant d’effacer et de réparer les traces d’un passé coupable !./.
Entretien avec l'auteur à paraître prochainement.